Les bénéficiaires choient leur retenue d’eau.

Madagascar - Une crue avait endommagé la retenue d’eau dans le village de Behorimo. Cet événement a marqué les agriculteurs et déclenché une prise en main inédite.

La retenue d’eau de Behorimo est ancrée dans les rochers et semble inébranlable. Cette illusion, les bénéficiaires l’ont partagée sans doute jusqu’à ce jour fatidique où une crue a déferlé sur l’ouvrage et en a endommagé une partie. Les agriculteurs n’aiment pas trop évoquer cet épisode, car ils ont cru perdre tout ce qui leur permet d’irriguer 40 ha de champs. D’autre part, ils avaient honte.

Prendre sa responsabilité

Si cette crue a causé tant de dégâts, c’est en grande partie en raison du manque d’entretien de la part des villageois. Au lieu de s’apitoyer sur leur sort, ils ont rebondi. Et de quelle manière ! Les six membres du comité des usagers de l’eau se sont réunis et ont défini une feuille de route pour entamer la restructuration. Ils ont pris une première décision : celle d’instaurer une réunion mensuelle pour échanger leurs soucis et planifier les séances d’entretien. Cette fréquence rapprochée interpelle, mais ils répondent qu’elle est importante pour créer un esprit d’appartenance et de responsabilité. Ils ont aussi décidé de désensabler désormais la retenue d’eau cinq fois par an et d’entretenir le canal de distribution une dizaine de fois.

Depuis, entre vingt et trente usagers se mobilisent pour ces opérations avec un repas chaud comme défraiement. Toutes les interventions et tous les versements des cotisations sont soigneusement inscrits dans un cahier. Avec cette reprise en main, ils ont retrouvé confiance en eux et une certaine fierté.

Préparer la relève

Le nombre d’usagers a augmenté de 24 membres depuis 2016. Fait étonnant, si l’on considère que la surface irriguée est restée identique. Le comité nous a donné la réponse à cette énigme : « Nous souhaitons intégrer nos jeunes dans nos activités, afin de transférer de manière progressive les connaissances et la responsabilité de la gestion des ouvrages à la prochaine génération. » Quelle sagesse et quelle anticipation ! C’est la première fois que nous observons un transfert de gestion consciente et voulue en faveur des générations futures au niveau de la gestion d’une irrigation agricole. Nous espérons que ces actions inspireront d’autres groupements.

Tel un phénix qui renaît de ses cendres, l’irrigation agricole a retrouvé sa place grâce à une prise en main du comité et un dévouement exemplaire des usagers. A posteriori, le choc de la crue a été nécessaire pour réveiller les consciences.

Xavier Mühlethaler